Questions clés autour des élections législatives des 10 et 17 Juin prochains

Publié le 13 Mai 2012

Source : La Croix

 

LaCroix

 

À peine l’élection présidentielle achevée, s’ouvre la campagne pour les élections législatives des 10 et 17 juin prochains.

Le président nouvellement élu doit désormais tenter de disposer d’une majorité à l’Assemblée et décider avec qui il va gouverner, tandis que l’UMP, menacée par le FN, doit essayer de préserver son unité.

 « La Croix » tente de répondre aux questions posées par cette nouvelle échéance électorale

 

La gauche est-elle assurée d’avoir une majorité à l’Assemblée ?

Dès dimanche 6 mai à la Bastille, le nouveau président de la République François Hollande s’est projeté dans la compétition législative, demandant aux Français qui venaient de l’élire de « donner une majorité au président de la République ». « Les Français n’ont pas voulu élire un président impuissant : il faut lui donner une majorité, il serait aberrant, absurde qu’il n’y ait pas cela », a insisté Pierre Moscovici, son directeur de campagne. « Une cohabitation au mois de juin. Cela n’aurait aucun sens », a renchéri Manuel Valls, son directeur de la communication

Jusqu’à présent toutes les élections législatives qui se sont déroulées dans la foulée d’une présidentielle ont offert au président élu les moyens de mener son action. Ce fut le cas pour François Mitterrand en 1981 puis en 1988, bien que cette année-là la majorité fût ténue. Ce fut aussi le cas pour Jacques Chirac en 2002, comme pour Nicolas Sarkozy en 2007.

Le score un peu moins confortable qu’attendu de François Hollande à l’élection présidentielle semble entretenir quelque espoir à droite. L’UMP a déjà commencé à roder ce qui sera son thème principal de campagne : le nécessaire équilibre des pouvoirs face à une gauche qui contrôle désormais l’Élysée, le Sénat, la quasi-totalité des régions, les deux tiers des départements et une majorité des grandes villes.

Dans ce « troisième tour » qui commence, la gauche part pourtant favorite. Le candidat PS est en effet arrivé en tête dans 333 des 577 circonscriptions législatives. Les premiers sondages portant sur les législatives donnent le PS et l’UMP au coude à coude, avec des intentions de vote tournant autour de 30 % pour chacun. Mais, l’égalité n’est qu’apparente. Le PS dispose de réserves, notamment du côté des écologistes et du Front de gauche. L’UMP, en revanche, devra faire avec un Front national revigoré par son score présidentiel, en position de se maintenir dans de nombreux seconds tours. Et bien décidé à ne lui faire aucun cadeau.

 

L’UMP va-t-elle se diviser ?

Créé en 2002 au lendemain de la réélection à la présidence de la République de Jacques Chirac, l’UMP se retrouve pour la première fois de son histoire dans l’opposition. Lundi 7 mai, un bureau politique extraordinaire avait pour objectif d’afficher l’unité du parti à travers la nomination pour les élections législatives d’un comité stratégique de campagne, réunissant l’ensemble des ténors et des sensibilités, qui se réunira toutes les semaines. 

Objectif : contenir, malgré la défaite présidentielle, les forces centrifuges. Qu’elles viennent de l’aile gauche de l’UMP, les « humanistes » (Jean-Pierre Raffarin, Jean Leonetti) déstabilisée après une séquence présidentielle jugée trop « droitière » . Ou de son aile droite, la « droite populaire » (Thierry Mariani, Lionnel Luca), dont une partie n’hésite pas à réclamer un « rapprochement »  qualifié de « pragmatique »  avec le FN.

Afin que la diversité de la droite s’exprime autant que possible au sein du parti et non pas à l’extérieur, la solution consiste simplement à se référer aux statuts de l’UMP. Bien que jamais appliqués, ces derniers prévoient en effet l’existence de « mouvements » déterminés par un vote au congrès et disposant de représentants au bureau politique et d’une dotation budgétaire. Un congrès est justement prévu en fin d’année, avec comme enjeu l’élection d’un président. 

Dans cette perspective, les grandes manœuvres ont déjà commencé. D’un côté, Jean-François Copé, actuel secrétaire général de l’UMP, est soutenu par Christian Estrosi, président du comité départemental de la puissante fédération des Alpes-Maritimes. De l’autre, François Fillon, est allié à l’ancien secrétaire général Xavier Bertrand. Les deux sensibilités ayant bien entendu intérêt à ce que l’UMP maintienne son unité afin d’en prendre le contrôle en son entier.

 

Le FN va-t-il entrer au Parlement ?

Pour Marine Le Pen il s’agit de transformer l’essai du premier tour de l’élection présidentielle (17,90 %) en prouvant sa capacité à faire élire des députés FN aux élections législatives. Sur le papier, les candidats du « Rassemblement Bleu Marine » peuvent espérer maintenir un candidat dans 352 circonscriptions : 344 triangulaires droite-gauche-FN, cinq duels gauche-FN et trois duels droite-FN. La victoire de François Hollande ne constitue pas un mauvais scénario pour l’extrême droite, qui a adopté une double stratégie.

 

Le premier volet consiste à marteler que l’extrême droite constitue « la véritable opposition »  aux « socialo-communistes », en s’adressant aux électeurs de droite. Comme ce fut le cas aux origines des premiers succès électoraux du FN, après la victoire de François Mitterrand en 1981. « Électeurs de Nicolas Sarkozy, qui avez cru en la fermeté de ce dernier sur les questions de l’immigration et de l’insécurité, sachez que vous pouvez accorder à présent toute votre confiance en Marine Le Pen pour rassembler autour de sa personne les électeurs patriotes, leur a lancé Steeve Briois, secrétaire général du FN. Elle luttera avec bien plus de fermeté que l’UMP contre le projet de François Hollande de donner le droit de vote aux étrangers ».  

 

Le second volet de la stratégie de Marine Le Pen est de diviser l’UMP en posant la question des alliances et du choix entre un candidat FN et un candidat de gauche. Si Jean-François Copé, secrétaire général de l'UMP, a fermé la porte à toute alliance, lundi 7 mai encore un représentant de son aile droite, Jean-Paul Garraud, a plaidé en faveur d’un « rapprochement » entre le FN et l’UMP dans le cadre d’une « recomposition de la droite ».

 

Les écologistes participeront-ils au gouvernement ?

Un tout petit score au premier tour de l’élection présidentielle, mais un appétit grandissant après le second. Au lendemain de la victoire de François Hollande, les écologistes semblent décider à revenir au pouvoir. Réunis lundi 7 mai jusque dans l’après-midi en banlieue parisienne, les dirigeants d’Europe Écologie-Les Verts devraient en effet décider d’entrer dans le prochain gouvernement. Cécile Duflot, secrétaire nationale d’EELV a ainsi appelé son parti à voter en faveur d’une participation. Elle devrait être suivie, « les habituels opposants à tout compromis sont très minoritaires », assure un des dirigeants du parti.

 

Bien sûr, les écologistes vont devoir accepter un rapport de force très défavorable. Les 2,3 % d’Eva Joly sont un handicap. Les libertés prises par François Hollande avec l’accord programmatique signé entre EELV et le PS, notamment sur la question du nucléaire, leur laissent entrevoir des moments difficiles. Sans oublier que l’un des favoris pour Matignon est Jean-Marc Ayrault, farouche défenseur de la construction de l’aéroport Notre-Dame-Des-Landes qu’ils dénoncent comme une ineptie.

 

Malgré tous ces bémols, les écologistes ne veulent pas rater le train. « Croire qu’en restant sur le quai de la gare nous aurions davantage d’influence est une vue de l’esprit. Sans ministres au sein du gouvernement, les écologistes aboieront et la caravane du productivisme continuera son chemin », a résumé le 7 mai Eva Joly. De plus, fait valoir un cadre du parti, une présence au gouvernement devrait pousser le PS à ne pas revenir sur l’accord électoral plutôt généreux passé pour les législatives en « mettant la pression sur les candidats socialistes désireux de se présenter en dissidents dans les circonscriptions réservées ».

 

Une fois la participation électorale actée, les écologistes commenceront alors sans tarder des négociations sur leur place dans la prochaine équipe. Quels ministères ? Pour quels ministres ? Chez EELV, les prétendants déclarés ne manquent pas, de Yannick Jadot à Jean-Vincent Placé en passant par Eva Joly ou Cécile Duflot qui a annoncé qu’elle quitterait la tête du parti après les législatives.

 

Quel rôle pour le Front de gauche ?

Jean-Luc Mélenchon, figure de proue du Front de gauche, a redonné de la voix dimanche 6 mai au soir, une fois les résultats du second tour connus. Il l’a fait en termes suffisamment ambigus vis-à-vis de François Hollande pour que l’on comprenne que le dialogue entre les deux hommes ne va pas être simple. « Une page est tournée, une autre commence, pleine d’exigences », a affirmé l’ex-candidat du premier tour. 

 

Sous entendu : toujours pas question de participer à un gouvernement et, si ces exigences (amélioration du pouvoir d’achat, retour de la croissance…) ne trouvent pas de réponse rapide, le Front de gauche les rappellera par « l’insurrection citoyenne ». La méthode implique le recours aux démonstrations sur la voie publique, dont l’eurodéputé a montré un avant-goût avant le premier tour.

 

S’il n’est pas parvenu à devancer comme il l’espérait Marine Le Pen lors du premier tour, il juge que son score de 11,1 % a été « un succès prometteur » pour la gauche radicale, qu’il ambitionne d’incarner. Pour lui comme pour Pierre Laurent, secrétaire national du PCF et par ailleurs son principal allié, les élections législatives doivent permettre d’« approfondir notre victoire » de manière « autonome et indépendante ». Objectif : disposer d’un groupe parlementaire (au moins 15 députés) pour pouvoir peser.

 

Dans cette perspective, le Front de gauche n’envisage pas pour l’heure un accord avec le PS, comme il en existe un entre ce dernier et Europe Écologie-LesVerts. Motif : François Hollande a signifié à Jean-Luc Mélenchon, avant le 22 avril, que son programme est « à prendre ou à laisser ». De premiers contacts entre les deux formations avaient d’ailleurs, à l’automne 2011, vite buté sur des incompatibilités programmatiques. 

 

Pour relever le défi des législatives, Jean-Luc Mélenchon envisage – après quelques réticences – de se porter lui-même candidat dans une circonscription et de proposer au PS un accord minimum sur une candidature unique dans « 80 circonscriptions » où le FN est en bonne position. Après les législatives, une nouvelle page pourrait s’ouvrir, celle-là interne au Front de gauche, sur la question de l’entrée au gouvernement, le PCF ayant une culture de participation.

 

François Bayrou va-t-il intégrer la nouvelle majorité présidentielle ?

Depuis le vote en 2006 d’une motion de censure déposée par la gauche contre la droite, François Bayrou ne cesse de se rapprocher de la gauche mais sans jamais la rejoindre. En 2007, il avait voté blanc au second tour de la présidentielle. En 2012, il a voté à titre personnel pour le candidat de gauche, sans néanmoins délivrer de consigne de vote à ses électeurs du premier tour. François Hollande avait alors souligné que ce choix ne pouvait donc pas « être interprété comme un soutien et encore moins comme une adhésion à une future majorité présidentielle ».

 

Reste que le MoDem aborde les prochaines législatives en bien plus mauvaise posture qu’en 2007. Même s’il faut se méfier de la transposition des résultats d’une élection sur l’autre, sur le papier les candidats du MoDem ne seraient en situation de se maintenir au second tour que dans cinq circonscriptions, deux ayant placé Nicolas Sarkozy en tête, trois François Hollande.

 

Parmi ces dernières figurent celles de François Bayrou (élu en 2007 après le retrait du candidat UMP) et de Jean Lassalle (élu dans une triangulaire), où François Bayrou est à chaque fois arrivé derrière François Hollande et même Nicolas Sarkozy au premier tour de la présidentielle. Bref, sans alliance aux législatives le MoDem risque d’être éliminé complètement de l’Assemblée nationale par la bipolarisation sous-jacente au mode de scrutin majoritaire à deux tours.

Seule solution cohérente avec son choix de l’entre-deux-tours : trouver un terrain d’entente avec la nouvelle majorité présidentielle. Officiellement, il n’y a aucun contact entre le PS et le MoDem. Dès dimanche 6 mai au soir, François Hollande a cependant fait un signe à François Bayrou en saluant « les humanistes qui ont permis aussi » son élection. Cette hypothèse obligerait toutefois l’ancien proche de Jacques Delors à trancher avant les législatives entre deux lignes : la première, sociale-libérale, compatible avec François Bayrou ; la seconde, antilibérale, conforme aux attentes de Jean-Luc Mélenchon.

LAURENT DE BOISSIEU, MATHIEU CASTAGNET et ANTOINE FOUCHET

Publié dans #Actualité

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